En 2024, Chuseok, la fête des récoltes, tombe le 17 septembre. Avec le Jour de l’An lunaire, c’est l’une des deux grandes fêtes nationales et traditionnelles en Corée du Sud et du Nord. Au cœur de ces fêtes se trouve le charye, un rituel ancestral. Cet article explore sa signification spirituelle et émotionnelle pour les Coréens, ainsi que le déroulement détaillé du rituel, de la préparation aux prières.
Mon souvenir du charye
Quand je vivais avec mes parents à Séoul, nous célébrions le charye (차례) chaque matin de Chuseok (추석) ou du Nouvel An lunaire (설), avant de prendre le petit déjeuner. Nous commencions toujours la journée par la cérémonie de charye, en honorant nos ancêtres à travers les offrandes et les prières. Ce n’est qu’après avoir accompli ce rituel que nous nous réunissions pour partager le repas, composé des plats préparés pour la cérémonie. Ce moment symbolisait à la fois le respect envers nos ancêtres et l’unité familiale, marquant ainsi le début de la fête avec une profonde signification spirituelle et culturelle.
Origines et symbolisme du charye
Le charye trouve ses origines dans la tradition confucéenne, profondément ancrée dans la culture coréenne. Ce rituel est pratiqué depuis des siècles, notamment pour rendre hommage aux ancêtres. Il reflète une valeur essentielle en Corée : la piété filiale (효). À travers le charye, les familles expriment leur respect pour les générations passées, tout en renforçant leurs propres liens.
De plus, ce rituel a un lien étroit avec la nature. En effet, le charye se déroule pendant Chuseok. Les offrandes symboliques, telles que les fruits, le riz et les gâteaux de riz, témoignent de l’abondance de la terre. Ces aliments ne sont pas choisis au hasard. Ils incarnent la gratitude envers les ancêtres, mais aussi envers la nature qui a permis ces récoltes. Ainsi, le charye célèbre l’harmonie entre les vivants, les morts et la nature.
Le déroulement du rituel charye
Le rituel du charye suit un déroulement précis, chaque étape étant empreinte de symbolisme. Tout d’abord, les membres de la famille préparent soigneusement les offrandes. Ces dernières incluent des fruits, du riz, des viandes et d’autres plats traditionnels, tous disposés avec une grande attention. Une fois la table dressée, les aliments sont organisés selon des règles strictes, notamment par type et par couleur. Par exemple, les fruits sont placés à gauche, tandis que les viandes se trouvent à droite.
Chaque aliment a une signification particulière. Le riz représente l’essentiel de la subsistance, les fruits symbolisent la nature et les viandes sont souvent associées à la prospérité. Ces offrandes ne sont pas seulement destinées aux ancêtres, elles reflètent aussi la gratitude envers la terre nourricière.
Disposition des aliments de la table du charye
La table du charye comporte généralement cinq rangées d’aliments, disposés de manière symbolique :
- 1ère rangée : Plats de base comme le riz, la soupe, le tteok (떡, gâteau de riz) et les coupes de vin, placés près des tablettes ancestrales.
- 2ème rangée : Poissons grillés, viandes et plats grillés.
- 3ème rangée : Soupes variées à base de viande, poisson, tofu, etc.
- 4ème rangée : Légumes cuits, kimchi liquide, fruits secs et boisson fermentée sikhye (식혜).
- 5ème rangée : Fruits comme les jujubes, châtaignes, kakis séchés, et desserts.
Principes de disposition
Les aliments sont placés selon des principes traditionnels :
- « Eodongyukseo » (어동육서) : Le poisson est à l’est (gauche), la viande à l’ouest (droite).
- « Dudongmiseo » (두동미서) : Tête du poisson vers l’est, queue vers l’ouest.
- « Japouhye » (좌포우혜) : Les fruits secs à gauche, la sikhye à droite.
Concernant les fruits, le principe « Joyulishi » (조율이시) organise les jujubes, châtaignes, poires et kakis séchés de gauche à droite. Enfin, les fruits rouges vont à l’est et les fruits blancs à l’ouest, selon « Hongdongbaekseo » (홍동백서).
Quelques interdictions
Certaines interdictions s’appliquent au charye. Par exemple, les poissons dont le nom se termine par « 치 » (comme le maquereau) ne sont pas utilisés, car ils sont perçus comme de moindre valeur. Les pêches sont évitées, car elles repousseraient les mauvais esprits. Les plats fortement épicés, comme ceux à base d’ail ou de piment, sont également exclus. De plus, le tteok doit être garni de haricots blancs plutôt que rouges, car le blanc symbolise la pureté. Les experts recommandent de ne pas surcharger la table et de l’adapter en fonction des ingrédients disponibles.
L’ordre du rituel charye
Avant de commencer, les membres de la famille nettoient la maison, se purifient et préparent l’autel. Le matin de la fête, hommes et femmes se placent respectivement à droite et à gauche de l’autel, selon l’ordre d’âge. Le rituel se déroule toujours en journée, pendant Chuseok ou le Nouvel An lunaire.
- Installation des tablettes ancestrales : Les tablettes (ou jibang) représentant les ancêtres sont placées selon l’ordre générationnel.
- Invocation des esprits : L’encens est allumé, puis la personne principale verse du vin dans une coupe, la fait tourner trois fois au-dessus de l’encens et la place sur l’autel.
- Salutations aux esprits : Les hommes s’inclinent deux fois, les femmes quatre fois.
- Offrandes de plats : Le riz, la soupe et d’autres plats sont offerts, en commençant par les ancêtres les plus anciens.
- Offrande de vin : Du vin est versé pour chaque ancêtre, puis les cuillères sont placées sur les bols.
- Invitation à prendre le repas : Tous les participants s’agenouillent en silence pendant quelques minutes.
- Retrait des cuillères : Les cuillères sont retirées, puis les couvercles des bols de riz sont refermés.
- Clôture du rituel : Tous les participants font deux prosternations finales pour accompagner les esprits.
- Traitement des tablettes ancestrales : Les jibang en papier sont brûlées et leurs cendres recueillies.
- Nettoyage de l’autel : Les aliments et ustensiles rituels sont retirés et rangés.
- Partage des aliments : Enfin, les participants partagent les aliments offerts aux ancêtres, recevant symboliquement leurs bénédictions.
Conclusion
Le charye incarne une tradition riche en symbolisme, unissant la famille autour d’un hommage aux ancêtres. Ce rituel, bien que complexe, est profondément ancré dans la culture coréenne et constitue un moment fort de partage et de transmission de valeurs. Avez-vous déjà assisté à une cérémonie de charye, ou avez-vous des souvenirs particuliers de Chuseok ? Partagez vos réflexions et expériences dans les commentaires !
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5 commentaires
GAILLARD
A travers cette tradition, on comprend bien l’importance de la famille, le respect des traditions et des anciens.
Marie
vos articles sont très instructifs et plaisants a lire.
Gamsahaeyo.
obis
Le christianisme existe aussi en Corée du sud,comment consilit-on les deux confessions ? Les articles sont toujours très instructifs .
caces michele
Bonjour Maya, merci pour cet article. Le culte des Ancêtres est une règle du Confucianisme qui me fascine.
Françoise Bourlier
J’ai eu un grand plaisir à lire cette peinture de la fête de Chuseok. Il y a plein de détails qui rendent le récit vivant.
Ces traditions me rappellent des lectures concernant les Romains, les Celtes, les Indiens … En France, le pays a été christianiné assez tôt et les traditions anciennes ont été peu à peu abandonnées. Merci pour cette agréable lecture.