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La Corée

Patrimoine UNESCO en Corée : Haeinsa et Tripitaka Koreana

Introduction

Suite à nos explorations de Séoul, Ganghwa, Gongju, Buyeo et Iksan, notre voyage à travers les patrimoines mondiaux de l’UNESCO en Corée du Sud se poursuit vers le sud. Cette fois, nous nous dirigeons vers le parc national de Gayasan, Gyeongsang du Sud, pour découvrir l’un des trésors les plus vénérés du pays : le temple Haeinsa. Fondé au début du 9ème siècle, Haeinsa est surtout connu pour abriter le Tripitaka Koreana, une collection monumentale de textes bouddhistes gravés sur plus de 80 000 tablettes de bois.

Dans cet article, vous découvrirez l’incroyable valeur du Tripitaka Koreana, également inscrit au Registre Mémoire du Monde de l’UNESCO, ainsi que le mystère architectural de ses bibliothèques qui ont permis de conserver ces tablettes en bois en excellent état pendant plus de 700 ans de manière naturelle, sans aucun équipement énergivore.

Temple Haeinsa en automne

Temple Haeinsa

Un des Trois Trésors Bouddhistes 

Haeinsa (해인사) est l’un des trois temples bouddhistes les plus vénérés en Corée, aux côtés de Songgwangsa à Suncheon et de Tongdosa à Yangsan. Les « trois trésors » dans le bouddhisme, également connus sous le nom de « Sambo », désignent le Bouddha (불), le Dharma (법), et le Sangha (승). Haeinsa est reconnu pour le Dharma Trésor (les 80 000 Sutras de la Grande Collection), Tongdosa pour le Trésor du Bouddha (les reliques du Bouddha), et Songgwangsa pour le Trésor de la Sangha (le temple de la transmission des préceptes). Le suffixe « sa » signifie le temple et le mot « Haein », « le tampon de la mer » ou « le reflet dans la mer calme ». Haein fait référence à la sagesse du Bouddha, qui comprend et réalise la totalité de l’univers.

Histoire de Haeinsa

Dynastie Silla

Le temple Haeinsa a été fondé en 802 pendant la dynastie Silla (신라), l’un des trois royaumes de Corée. Selon la légende, le roi Aejang (애장왕) a été guéri d’une grave maladie grâce aux prières des deux moines et a soutenu la fondation de Haeinsa en gratitude. Situé au cœur des montagnes de Gayasan (가야산), Haeinsa est rapidement devenu un centre spirituel majeur et un symbole de la foi bouddhiste en Corée. Au fil des siècles, le temple a traversé de nombreuses périodes de prospérité et de difficultés, notamment des incendies, des invasions et des périodes de réformes religieuses. Malgré ces défis, Haeinsa a su préserver son rôle central dans le bouddhisme coréen.

Dynastie Goryeo

L’une des périodes les plus marquantes de l’histoire de Haeinsa fut l’invasion mongole du 13ème siècle. Pour protéger la Corée de cette menace, le roi Gojong (고종) de la dynastie Goryeo a ordonné la création du Tripitaka Koreana. Ce dernier est une collection complète de textes bouddhistes gravés sur 81 258 tablettes de bois, destinée à invoquer la protection divine contre les envahisseurs. Ces tablettes, achevées en 1251, ont été abritées à Haeinsa en raison de l’emplacement isolé et sécurisé du temple.

Dynastie Joseon

Haeinsa a également joué un rôle clé pendant la période Joseon, malgré la montée du confucianisme qui a souvent relégué le bouddhisme au second plan. Le temple a continué à être un lieu de pèlerinage et un centre d’études bouddhistes, attirant des moines et des érudits de tout le pays. Le temple a subi des rénovations majeures au cours des siècles pour préserver ses bâtiments et ses trésors, notamment après l’incendie dévastateur de 1817. Entre autres, une bibliothèque est construite durant la période Joseon dans le seul but de préserver le Tripitaka Koreana. Ce bâtiment, Janggyeong Panjeon (장경판전), est le plus ancien encore existant du temple Haeinsa. Dans le texte suivant, découvrons la valeur inestimable du Tripitaka Koreana et l’architecture surprenante de Janggyeong Panjeon.

Au Temple Haeinsa, le Janggyeong Panjeon a été construit exclusivement pour conserver les tablettes du Tripitaka Koreana.

Tripitaka Koreana

 

Le temple Haeinsa est connu pour l’un des trésors les plus précieux du patrimoine bouddhiste mondial : le Tripitaka Koreana. Il s’appelle également « Palman Daejanggyeong » (팔만대장경) en coréen en raison de ses 80 000 tablettes, précisément 81 258. ‘Palman (팔만)’ signifie 80 000 en coréen.

On estime que le nombre total de caractères s’élève à environ 52 millions, chaque caractère étant soigneusement gravé sans erreur ni omission. C’est la plus ancienne version complète et intacte des écritures bouddhistes en caractères chinois, Hanja. Chaque tablette mesure environ 70 cm de long et 24 cm de large, et contient 23 lignes de Hanja gravés avec une précision incroyable. Les textes couvrent l’ensemble des enseignements bouddhistes, y compris les sutras, les commentaires et les règles monastiques.

L’une des caractéristiques remarquables du Tripitaka Koreana est la qualité et la clarté des caractères gravés. On dit que malgré la taille monumentale de l’œuvre, il n’existe pratiquement aucune erreur ou correction dans l’ensemble des tablettes, témoignant de l’extraordinaire compétence des artisans de l’époque.

Histoire de sa Création

La création du Tripitaka Koreana remonte au 13ème siècle, sous le règne du roi Gojong (고종) de la dynastie Goryeo (고려). Face à l’invasion mongole, le roi a ordonné la production de cette immense collection de textes bouddhistes dans l’espoir d’invoquer la protection divine pour le royaume. Les travaux ont débuté en 1236 et se sont achevés en 1251, impliquant des milliers d’érudits et d’artisans qui ont travaillé sans relâche pour graver chaque caractère avec une précision inégalée.

Le projet était également motivé par un profond respect pour le bouddhisme et par le désir de préserver les enseignements du Bouddha pour les générations futures. Contrairement à de nombreuses autres versions du Tripitaka, qui ont été perdues ou endommagées au fil des siècles, le Tripitaka Koreana a survécu intact, devenant une ressource inestimable pour les érudits et les pratiquants du bouddhisme. La qualité de conservation de ces tablettes en bois est tellement excellente qu’il est encore possible de les imprimer de nos jours. Le secret d’une telle conservation réside dans la technique de construction du bâtiment Janggyeong Panjeon.

L’intérêt International : Chine et Japon

Le Tripitaka Koreana n’a pas seulement fasciné les Coréens ; il a également attiré l’attention de puissances voisines comme la Chine et le Japon. Les érudits chinois et japonais se sont intéressés de près à cette collection en raison de sa complétude et de sa précision. Durant l’époque Joseon, plusieurs missions diplomatiques japonaises ont visité Haeinsa pour consulter le Tripitaka Koreana. La Chine, bien qu’ayant une riche tradition bouddhiste, reconnaissait également la valeur unique du Tripitaka Koreana, car il était considéré comme l’une des versions les plus précises et les mieux conservées des écritures bouddhistes.

L’intérêt pour le Tripitaka Koreana ne se limitait pas à la simple consultation des textes. Des copies partielles, voire les tablettes originales, ont été demandées par la Chine et le Japon pour enrichir leurs propres collections de textes bouddhistes. Comme mentionné brièvement dans mon article « Jikji, le livre coréen plus ancien que la Bible de Gutenberg », des moines japonais ont même manifesté devant la cour royale en faisant une grève de la faim pendant l’époque de Séjong le Grand.

Techniques de Conservation

L’un des aspects les plus fascinants du Tripitaka Koreana est la manière dont il a été conservé pendant plus de 700 ans. Les bibliothèques sont spécialement conçues afin de conserver des planches de la grande collection de sutras. C’est unique au monde. Elles s’appellent « Janggyeong Panjeon » (장경판전) et sont situées dans le complexe du temple Haeinsa. Ces bâtiments, construits au 15ème siècle, sont eux-mêmes des chefs-d’œuvre d’ingénierie.

Ils sont composés de deux grands bâtiments disposés en parallèle du nord au sud, chacun ayant une façade de 15 espaces. Le bâtiment au sud du Janggyeong Panjeon est appelé Sudarajang, tandis que celui au nord est nommé Beopbojeon. Il existe également deux bâtiments plus petits à l’est et à l’ouest, appelés respectivement le Panjeon de l’Est et le Panjeon de l’Ouest. Les bâtiments répondent uniquement aux besoins fonctionnels d’un dépôt de textes sacrés, sans ajout d’ornements décoratifs. Les positions et les dimensions des fenêtres sur les façades avant et arrière sont différentes, optimisant ainsi la ventilation, l’effet anti-humidité, le maintien d’une température intérieure appropriée, et la disposition des étagères pour les planches gravées. Ces aspects scientifiques, naturels et rationnels de la conception sont considérés comme l’une des raisons principales pour lesquelles les planches en bois ont été préservées intactes jusqu’à nos jours.

La valeur de conservation de cette collection est extrêmement élevée, et elle est reconnue mondialement pour son histoire ancienne et l’intégrité de son contenu, faisant de ces planches l’une des reliques culturelles les plus célèbres au monde.

Conclusion

Le temple Haeinsa et le Tripitaka Koreana sont des joyaux du patrimoine mondial, témoignant de l’ingéniosité et de la sagesse des anciens Coréens. Le Janggyeong Panjeon, où sont conservées les 81 258 tablettes gravées, est un chef-d’œuvre architectural conçu pour protéger ces textes bouddhistes de manière naturelle. Grâce à une ventilation, une régulation de la température et un contrôle de l’humidité, ce bâtiment unique a permis au Tripitaka Koreana de survivre intact pendant des siècles.

Reconnu par l’UNESCO, le Janggyeong Panjeon met en lumière l’importance de l’architecture traditionnelle dans la conservation du patrimoine. Ce site, au-delà de sa valeur historique, demeure une source d’inspiration, démontrant que les solutions du passé peuvent offrir des réponses durables aux défis contemporains. Haeinsa, avec son Tripitaka Koreana, symbolise ainsi l’harmonie entre l’héritage spirituel et l’ingéniosité humaine.

 

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8 commentaires

  • Amandine

    Merci pour cette article avec tellement de détails on sent que cette endroit et très précieux dans la culture coréennes.

  • caces michele

    Bravo Maya, une fois de plus tu me permets de découvrir les trésors de ton pays que j’ignorerais encore si je ne t’avais pas rencontrée.

    • Maya

      Merci beaucoup, Michèle ! Ça me fait chaud au cœur de savoir que les trésors de la Corée te touchent à travers mes articles. Ton soutien compte énormément, et je suis ravie de t’avoir parmi mes élèves. Tu es TOP !!!

  • Farjon

    J’aime beaucoup découvrir l’histoire de ce temple et de ces tablettes.La conservation de ce patrimoine à travers les siècles par cette architecture spécifique et traditionnelle est étonnante.Comme avec chacun des articles que Maya rédige nous découvrons la richesse culturelle de la Corée.

    • Maya

      Chère Marie-Rose,
      Merci beaucoup pour ton commentaire ! Je suis super contente que l’histoire du Haeinsa et de ses tablettes t’ait captivée. C’est vrai que l’architecture coréenne traditionnelle a un charme unique, et c’est incroyable de voir comment elle a su préserver tant de trésors au fil des siècles. Je suis ravie que tu continues à explorer la richesse culturelle de la Corée avec moi. 🙂

  • Françoise Bourlier

    Merci Maya pour ce nouveau chapitre de l’Histoire de la Corée. Je veux juste préciser une chose : la « Bible de Gutenberg » est le 1er livre imprimé. Bien d’autres livres l’ont précédé. Bravo pour ces récits vivants et détaillés.

    • Maya

      Bonjour Françoise,
      La Bible de Gutenberg n’est qu’un des plus anciens livres imprimés avec des caractères métalliques encore existants. Le plus ancien livre imprimé avec des caractères métalliques est en réalité le livre coréen, Jikji, qui est antérieur de 78 ans à la Bible de Gutenberg. Si tu as des doutes, consulte ce que j’ai écrit ci-dessous. D’ailleurs, le plus ancien livre encore existant, imprimé à partir de planches en bois, se trouve également en Corée. 😉
      👉 Voici mon article) Jikji, le livre coréen plus ancien que la Bible de Gutenberg 👇
      👉 https://apprendrelecoreen.fr/jikji-gutenberg-ancien-livre-coreen/

      • Françoise Bourlier

        Merci pour ta réponse bien documentée . J’ai bien aimé. Dans l’article ci-dessus, le mot « gravé » n’était pas synonyme pour moi de « imprimé » d’où ma confusion. Encore bravo pour tous tes articles qui nous emmènent toujours plus loin dans nore connaissance de la culture coréenne. A bientot pour un autre article !

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